Le passage des trails de moyennes et longues distances aux ultras constitue souvent un épisode important dans une carrière de traileur, autant redouté que convoité, un véritable rite de passage en somme. Désormais aguerri aux trails longs (entre 40 et 60 km) depuis trois ans, j’avais envie de franchir le pas cette année et de me confronter à des parcours plus longs et exigeants. Se lancer sur des ultras ne se fait bien évidement pas à l’improviste, mais j’estimais que mon corps et mon esprit étaient désormais disposés à ce genre d’efforts de longue durée, éprouvés par les nombreuses compétitions et les heures d’entrainements accumulés ces dernières années. Il me restait seulement à choisir l’épreuve qui consacrerait mon accession. Mon choix s’est rapidement porté sur la Maxirace, une épreuve devenue aujourd’hui emblématique dans le paysage des trails hexagonaux et dont le parcours (de 83 km et 5200 d+) correspond exactement au calibre que je recherchais. L’ambition était également de me confronter une nouvelle fois à la montagne et au dénivelé, après mon échec au Trail du Tour des Fiz l’an dernier.
Il est 3 heures du matin en ce samedi 25 mai 2019, je me dirige vers la plage d’Albigny, au bord du lac d’Annecy, pour retrouver les 1600 autres coureurs en compagnie desquels je vais prendre le départ. La tension est palpable dans le regard de nombreux participants et les quelques blagues lancées par certains d’entre eux ne suffisent pas à apaiser les esprits : on ne se lance pas sur ce genre d’épreuve sans une légère appréhension, même chez les traileurs les plus aguerris. Le départ est enfin donné, après de longues minutes d’attente et de cogitation. Les fumigènes et la foule importante présente sur les premières centaines de mètres créent une atmosphère festive qui me permet de rapidement de chasser les doutes. Les quatre premiers kilomètres de plat, sur les rives du lac, constituent une excellente mise en jambe, de quoi accoutumer le corps et l’esprit à l’effort. Les premières pentes du Semnoz, abruptes, viennent heurter les corps et donnent le ton de ce que sera notre journée. Je mettrai ainsi plusieurs centaines de mètres à trouver mon rythme, le temps de trouver un second souffle. L’ascension de 15 km et 1400 mètres de d+ se fera de manière assez monotone et en file indienne, malgré les quelques portions de plats et de descentes. Chacun se met dans les pas de l’autre et suit le sillon de frontales qui fend la nuit. Seuls les bouchons situés à quelques hectomètres du sommet, dans une portion enneigée, viendront tromper ma quiétude.
L’enchaînement de la longue descente du Semnoz et de l’ascension du Col de la Clochette se fera dans une relative sérénité pour moi, en dépit de la pluie intermittente qui a fait son apparition et de la boue qui a commencé à recouvrir les sentiers. Le franchissement du second sommet va pourtant constituer un tournant important pour moi : dans le descente d’Entrevernes, je commence à ressentir une petite douleur, tendineuse, en bas de la cuisse droite qui va m’obliger à gérer mon effort et optimiser ma foulée. Je ressens également depuis quelques kilomètres des difficultés à m’alimenter, ce qui n’est pas de bonne augure… Les kilomètres de descente, puis de plat menant jusqu’à Doussard se feront donc dans la douleur et l’incertitude. Je retrouve Pauline, venue me porter assistance à ce second ravitaillement qui tombe à point. J’arrive à nouveau à manger, je bois une boisson énergétique, je strappe ma cuisse, … je pars rassuré et requinqué par les encouragements de Pauline et de la foule. Je retrouve ainsi un second souffle dans l’ascension du Col de la Forclaz, puis dans la montée menant au Chalet d’Aulp. Je casse malheureusement un de mes bâtons en glissant dans une petite descente… maudit… je sais que la tâche va être encore plus compliquée muni de ce seul accessoire. L’ascension des derniers hectomètres du Col de l’Encrenaz sera particulièrement rude pour moi, le corps commençant à donner quelques signes de faiblesses, l’esprit étant sans doute également quelque peu affecté. La descente se déroulera pourtant relativement bien, malgré quelques névés situés après le sommet et les pentes abruptes. J’arrive à lâcher les chevaux jusqu’au ravitaillement de Villard Dessus. Je suis rassuré, ma cuisse a tenu dans la descente, je sais que le plus dur est sans doute fait…
Les quelques kilomètres de plats menant aux premières pentes du Col des Contrebandiers se font dans une relative aisance pour moi, je suis même surpris de pouvoir continuer à courir avec une tel relâchement après une telle distance. Le début de l’ascension est pourtant particulièrement ardu, mais ce n’est rien en comparaison de ce qui nous attend… Au milieu de l’ascension, une grosse averse nous assomme et vient complètement chambouler les conditions de course : la température a baissé de plusieurs degrés, la visibilité devient difficile, la boue a envahi les sentiers… nous avons parfois du mal à assurer nos pas. J’ai tout de même le réflexe de continuer à me centrer sur la nutrition car je sais que la fin de partie, pourtant si proche, va être particulièrement ardue… Le passage menant du Col des Contrebandiers jusqu’au Mont Veyrier se fera aux forceps pour moi, les 5000 mètres de dénivelés positifs cumulés commençant à particulièrement peser sur mon organisme. Le passage sur les crêtes, rendu particulièrement dangereux par la pluie, tous comme les premiers kilomètres de la dernière descente, boueux et techniques, se feront donc aux petits pas. Le plus dur est fait et je n’ai pas envie de tout gâcher à quelques hectomètres de l’échéance. J’arriverai tout de même à relancer lors des derniers hectomètres, sur des portions moins techniques, au risque de parfois chuter… Je retrouve Pauline qui m’a attendu au sortir de la montagne, nous ferons le dernier kilomètre ensemble. Je donne mes dernières forces, le cerveau a pris la relève depuis longtemps et je ne pourrai pas lui demander de faire 10 mètres de plus… je franchis la ligne en 17h30, épuisé physiquement et bien loin des premiers, mais heureux d’avoir surpassé cette magnifique épreuve de laquelle je sors grandi.
Un grand Bravo à toi… je me retrouve aussi dans ton récit… un grand cap de franchi pour toi (tout comme pour moi)… de bon augure pour la suite.
Un grand merci Thierry 😉 Encore bravo à toi et à bientôt !
Bravo Julian, contrat rempli, même si ça n’a pas dû être simple vu les conditions.
Celà dit, terminer un ultra n’est jamais simple !
Tu respectes une cetaine progressivité, ce qui edt gage de réussite. Prochaine étape, un 100k ?
Merci Alain 😉 Effectivement, les conditions n’ont pas aidé… tu ne crois pas si bien dire: prochaine étape, l’endurance trail des templiers en octobre 🙂